Prise de conscience
Comme je reprends petit à petit des forces, je suis aujourd'hui en mesure, de me demander pourquoi. Pourquoi j'en suis arrivée là? Pourquoi j'ai complètement replongée dans l'anorexie?
A la base, je pense que j'ai toujours voulu être trop "parfaite". Je voulais perdre un peu de poids, alors qu'à l'époque (à 16 ans) je faisais 52-53 kilos_ce qui est tout à fait normal! Mais je voulais être mieux. Très vite je suis arrivée à 48, puis je me suis laissée prendre au piège de l'anorexie. Les kilos se sont envolés au fil des mois. Puis place à la dépression (que je traîne encore aujourd'hui). Je comprends aujourd'hui pourquoi j'ai tant de mal à accepter les remarques des autres lorsque je reprends du poids. Les "tu as meilleure mine" "tu es bien plus jolie comme ça..." "tu as retrouvé tes petites joues" ,et j'en passe! Toutes ces réflexions j'y ai eu le droit lorsque j'avais décidé de m'en sortir en début de terminale. Je déteste entendre ça, alors que les gens pensent me faire plaisir, et que ça ne part pas du tout d'un mauvais sentiment (au contraire). Je déteste ça parce qu' intérieurement je suis de plus en plus mal. A moi ce poids ne me convient pas du tout! Mais au delà du poids, c'est mon état de tristesse que je ne supporte plus. Le sentiment que rien ne vaut la peine. Je me dis "à quoi bon manger?", je ne me vois pas d'avenir, alors que j'en ai un, comme tout le monde! C'est cette maladie de m**de qui m'a amené à tout voir en noir. Je pense que ma rechute est en partie due au fait que, depuis mes 16 ans, je suis "en dépression". Désagréable, agacée, indifférente, repliée sur moi même, dans mon travail. Rien n'a plus d'importance à part le chiffre sur la balance. Je suis juste un poids. L'estime que j'ai pour moi ne dépend que de ce que cette p****n de balance affiche. Et, je n'ai (pour le moment) encore jamais réussi à m'en détacher. Je me suis perdue dans mes obsessions, dans ce cercle vicieux. J'avais réussi à reprendre un peu de poids, mais à quel prix? Je souffrais tellement intérieurement, et tous ces gens me disaient que j'étais bien mieux aujourd'hui (alors que non! j'ai envie de crever... je suis triste d'écrire ça, et je ne comprends même pas pourquoi je suis aussi mal). Alors j'en ai eu ras le bol de me forcer à faire bonne figure, à soit disant "être bien", alors que ça n'allait pas du tout. Rares ont été les moments où je me suis sentie bien dans mon corps, même des mois après ma reprise de poids... Puis, comme en 1er, j'ai recommencé à vouloir "mieux recontrôler" mon alimentation, pour être "parfaite" à la rentrée en prépa. Je dis "mieux recontrôler" parce qu'en fait je n'ai jamais vraiment lâché prise. J'avais réussi à réatteindre 48 kilos, mais il était hors de question pour moi de m'autoriser ne serait-ce qu'un carré de chocolat entre les 3 repas principaux. Bref, pleins de choses qui m'ont fait retomber réellement dans cet enfer. Et puis, de toute façon, je m'en foutais. C'est ça que je ne comprends pas. J'ai toujours donné mon maximum pour les cours, et cette année j'ai travaillé jusqu'à devoir m'arrêter. Mais sur le moment je ne pensais même pas que mon comportement par rapport à la nourriture, pourrait ruiner tous mes efforts. Ou alors je ne voulais pas le voir. La maladie m'a fait perdre toute confiance en moi, et je pense que j'avais aussi très peur de l'échec. Alors l'anorexie a _encore une fois_ était mon échappatoire. De tout façon j'étais malheureuse. J'allais entrer en classe prépa (classe où il faut énormément s'investir et être fort mentalement), avec le sentiment que rien ne pourrait être bien dans ma vie. Je ne me projetais pas dans l'avenir. Rien ne me donnait vraiment envie. Et pourtant, je me rends compte aujourd'hui, que j'ai adoré ce 1er semestre (malgré tout).
Ce dont je me suis rendue compte récemment, c'est qu'en fait, j'ai laissé la maladie reprendre complètement le contrôle de ma vie, parce que j'étais mal. Et que j'en ai eu vraiment marre de faire tant d'efforts_et ce, simplement pour les autres_: avoir l'air heureuse, assumer les contraintes quotidiennes, vivre alors que je n'en avais même pas envie.
Aujourd'hui, j'ai peur de reproduire le même schéma. Je suis bien partie pour me "remplumer" un peu. Mais j'ai tellement peur de ne jamais pouvoir accepter. De rester dans cet univers triste et sombre. Malheureuse je le suis_ que je mange ou pas_ donc je me dis, autant remanger. ça ne peut pas être pire. Mais remanger, signifie guérir, signifie affronter les autres, affronter ses responsabilités, ne plus se cacher derrière la maladie. Faire face aux VRAIS problèmes. Tout ça me terrifie.
J'ai l'espoir que les choses iront mieux. Je pense que c'est possible, même si ça me semble si dur.