Une petite victoire
Ce matin réveil, comme d'hab: mal à la tête, envie de vomir. Triste. Tout ça n'encourage pas à aller prendre son petit déjeuner. Et pourtant il le faut. Je me réveille toujours super tôt, c'est tellement ridicule, puisque je ne vais plus en cours, je n'ai pas à me lever aussi tôt. Le côté positif c'est que je peux voir mon papa et ma soeur avant qu'ils ne partent. Mon père au boulot, ma soeur à la fac.
Et moi? Moi j'ai RDV chez ma psy à 11H. Il faut que je me renseigne pour reprendre mes études en septembre prochain, si je ne peux me réinscrire nul part d'ici là. Je vais aller à la fac demain pour voir un cours de maths. Moi j'essaie d'avancer tant bien que mal: surtout pour guérir, et un peu dans la vie. Je trouve ça tellement dur. Aujourd'hui j'ai peur, peur de ne pas y arriver. Il y a des fois où j'ai l'impression que c'est trop difficile. Il faut pas.
C'est idiot d'être fatiguée en se levant, comme d'être déprimée dès que je mets le pieds par terre. Mais tant pis, je me force. Je descends et mange malgré mon dégoût: 1 kiwi, un morceau de far breton avec un peu de nutella. Ce que j'ai ressenti après ça, c'est ce que je ressens en tant normal: c'est toujours trop d'après ce démon qui m'habite, et il ne me veut que du mal, il adore me faire culpabiliser. On dirait que j'ai rien à foutre dans ma vie pour ne jamais arrêter de me torturer mentalement. Mais ce n'est pas moi qui me fait tant de mal, c'est cette maladie dont je n'arrive pas encore à me débarrasser!! Puis il y a la partie "bien" de moi, qui trouve que pour m'en sortir c'est un peu ridicule comme petit déjeuner. Donc du coup je suis pas plus heureuse que d'habitude. Un peu triste de rester à la maison, de devoir affronter ce démon. Triste d'être en retrait. Je voudrais tellement revenir à l'époque où je n'étais pas aussi atteinte par cette conne d'anorexie. Je ne peux pas le faire, mais je peux encore changer les choses.
A midi, ma meilleure amie m'a invité au restaurant. Elle voulait me récompenser de mes efforts pour m'en sortir. Je l'adore cette fille, elle ne vit pas ce que je vis mais elle est compréhensive et surtout toujours présente. Elle me conseille comme elle peut et on s'est toujours remonté le moral lorsqu'une de nous 2 ne va pas bien. Bon resto pour une anorexique c'est normalement pas le meilleur cadeau! (ironie). Mais moi je trouvais l'idée sympa. Assise au resto je n'étais presque pas angoissée. Nous avons commandé toutes les 2 une marguerite, et vu l'heure qu'il était (on a mangé à 15h passé), la pizza n'a pas mis longtemps pour arriver dans nos assiettes (car pas un chat au restaurant!). Elle sentait très bon cette pizza, les premières bouchées étaient un peu dures, je n'ai pas l'habitude. C'était des grosses pizzas! Mais j'ai bien mangé (plus que ma meilleure amie!): je trouvais ça bon et si j'ai mangé c'est parce que la bonne partie de moi en avait envie. L'autre, cette c***e n'a pas arrêté de me culpabiliser et de me traiter de grosse, de me dire "arrête de manger, tu en as pas déjà mangé assez??". Plus je sentais cette voix, plus une autre force me poussait à prendre une bouchée de plus. Alors que mon petit estomac avait déjà bien assez mangé. Je n'avais plus faim. Mais je mangeais quand même. D'abord parce que c'est quand même presque 12 euros la pizza, et que je n'aime pas le gaspillage. Puis surtout parce que j'aime pas laisser de la nourriture (surtout quand c'est devant mes yeux). Ensuite, j'ai l'impression que tant qu'il en reste je ne peux pas en laisser. C'est bête parce que les gens en laissent souvent au resto, ils n'ont plus faim. Moi j'ai l'impression que je suis incapable de m'écouter. C'est le démon qui me dicte tout ce que je dois faire depuis tellement longtemps. Pour lutter contre lui j'ai essayé d'agir en contradiction avec lui. Donc après j'ai eu un peu mal au ventre, parce que je pense que j'ai "trop" mangé. Ce soir je ne l'ai même pas encore digérée je le sens bien! Le démon ne m'a pas vraiment quitté de l'après midi et je m'en voulais un peu d'avoir presque fini cette pizza de resto. Puis j'ai essayé de me rassurer en me disant que c'était copieux certes, mais j'ai été servi comme une personne normale. La petite voix elle, me traite comme si j'avais mangé comme une obèse. pfffff
Alors oui c'est une victoire. D'abord je trouve que je n'ai pas tant culpabilisé que ça, et celle que je suis sans la maladie, s'est dit que même si la pizza était grosse, je suis censée reprendre du poids pour guérir. Puis c'était très bon (même si un peu trop de fromage peut être!). J'ai apprécié ce repas, même si le démon gâche tous mes repas. Je remercie ma meilleure amie. A la fin elle m'a félicité d'avoir bien mangé: l'anorexie fait que mon cerveau interprète toujours ce genre de réflexion un peu comme une insulte. Normalement je ne supporte pas qu'on me dise que j'ai bien mangé. D'ailleurs quand elle m'a dit ça, je me suis sentie un peu mal, mais même pas 1 min, parce que tout de suite après on a rit. Elle m'a dit "même si je sais que je ne dois pas te le dire" et elle a rigolé. Alors elle m'a fait rire aussi. Et j'en souris encore. Non j'ai vraiment passé un bon moment malgré cette maladie de merde. Alors je suis fière. Et c'est vrai que ce midi j'ai bien mangé. Et c'est tant mieux pour mon petit corps.
+ 1 pas en avant!