Je veux me retrouver
Ce que je regrette le plus dans l'anorexie, c'est que ça m'a changé. J'étais gentille et souriante et je suis devenue triste et chiante. Quand je dis que je veux me retrouver, c'est tant physiquement que mentalement. Je ne suis plus moi. Mon corps n'est pas comme il devrait être. Normalement j'ai 15 kilos de plus. Je ne sais même plus comment je suis quand je suis "normale". D'ailleurs les gens ont fini par s'habituer à ma maigreur. J'ai du mal avec ce mot. Parce que oui, la maladie me fait me sentir et me voir grosse. Aujourd'hui encore, malgré mes 37 kilos pour mon petit mètre 65.
Je ne suis pas celle que je devrais. La maladie prend beaucoup trop de place, elle me rend agressive et insupportable. Je culpabilise de faire autant de mal à mes proches mais en même temps je leur en veux. C'est triste à dire, mais c'est la réalité. Je suis tellement mal que je leur en veux et, à la moindre réflexion, même si je sais qu'elle partait d'un bon sentiment, je peux rentrer dans une colère noire. Je me mets à pleurer et je sors de table.
Mes pensées sont monopolisées par la maladie. Maintenant ça va mieux, mais encore le mois dernier j'étais incapable de me concentrer sur un cours ou même de lire un livre plus de 20min.
Cependant, les semaines passent, et c'est vrai que je suis quand même contente car je trouve que j'avance. Mon état psychologique n'a rien à voir avec celui dans lequel j'étais à Noël (heureusement pour moi!). Je restais clouée au lit à broyer du noir, à me dire que j'avais tout raté.
Arrêter mes études, m'a fait me retrouver seule, confrontée à moi même. J'avais l'impression d'avoir tout perdu, et mes angoisses anorexiques et l'anorexie elle même se sont encore plus installées. Moi qui voulait profiter des vacances pour me remettre sur pieds: que d'illusions!
A la maison, c'était très difficile, je n'étais presque plus capable de manger. Au moment des repas, l'angoisse était telle que je devais partir de la cuisine, je ne voulais pas qu'on me parle, qu'on me prenne dans ses bras. Alors je m'isolais un moment, je pleurais, beaucoup. Puis je tirais une tête inquiétante pendant tout le repas, à essayer_tant bien que mal_ de lutter contre moi même. A me forcer.
L'anorexie est invivable, pour soi et pour la famille, les amis. C'est aussi pour eux que je veux m'en sortir.
Tout le monde veut me retrouver. Je dis ça, parce que depuis que je suis anorexique, je ne suis plus la même. Je suis la même au fond de moi, mais avant il y a toutes ces obsessions, cette petite voix qui m'empêche de vivre. On peut me parler de pleins de choses, me faire regarder un film, je m'en fous. La maladie prend trop de place. Il faut que je la chasse.
Je sais que quand je serais guérie, ça sera une libération et, je revivrais! Je pense que je ne pourrais jamais être à 100% comme avant, mais peut être aussi que cette expérience me sera utile pour ma vie future.
Une chose est sure: je ne suis pas comme ça, je ne veux pas être comme ça. C-à-d enfermée dans mon mal être, s'en foutre des autres, s'en foutre de tout. J'aimais faire plaisir, rigoler,et manger (oui, oui,oui!). Et je veux retrouver ça.